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« L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage » de Haruki Murakami

« L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage » est le treizième et dernier roman en date du grand écrivain japonais Haruki Murakami.
Ce roman se range dans la catégorie des romans réalistes de l’auteur nippon, aussi connu pour son univers magique et fantastique.

L’histoire :

L’histoire est celle de Tsukuru Tazaki, un homme de 36 ans dont le métier consiste à bâtir des gares. Tsukuru, dont le nom signifie « celui qui fabrique » se perçoit lui-même comme un être vide, sans épaisseur et incolore. Il a fait partie, lors de ses années de lycée, d’un groupe de cinq amis unis par des liens très forts. Une amitié rare et profondément harmonieuse, telle qu’on peut en vivre parfois dans sa jeunesse. Ayant consolidé leurs liens à Nagoya, ville natale du groupe, Tsuku

ru est le seul à la quitter pour faire ses études à Tokyo. Lors de sa deuxième année d’étude, il effectue son habituel voyage à Nagoya pour y revoir ses amis. Mais cette fois, rien ne se passe comme prévu. Ses amis l’évitent puis finissent par lui annoncer clairement qu’ils ne veulent plus de lui dans leur groupe. Une nouvelle que le héros, seule personne du groupe dont le nom n’évoque pas une couleur, va recevoir comme un choc. Ses amis représentaient toute sa vie, et voilà qu’ils l’abandonnaient. Désespérée et trop blessé pour demander la raison de son éviction, Tsukuru, après une plongée dans les ténèbres, en ressort lentement au cours des années qui suivent, mais dans son cœur, la blessure est encore vive.
Sa petite amie Sara, à laquelle il se confie, ressent sa meurtrissure et l’encourage à faire un pèlerinage à Nagoya pour retrouver ses amis. Elle le met sur leurs traces. Selon Sara, il doit comprendre ce qui est à l’origine de cette rupture brutale. Notre héros va donc effectuer un petit périple en quête de la compréhension de son passé. Ce roman est en partie l’histoire de cette quête.
Mais c’est aussi, comme le sont souvent les romans de Murakami, une quête d’amour, une quête de soi et une quête de vérité, dans une ballade toute horizontale, entre Nagoya, Tokyo et la Finlande.

Un roman qui porte l’empreinte de Murakami : 

A l’instar des personnages principaux des romans de l’écrivain, Tsukuru est un jeune homme solitaire, introspectif, à la vie calme et rangée. Il ne boit pas, ne fume pas, mais nage et écoute de la musique classique quand il veut se détendre. Il n’entretient plus de relation amicale après ses déceptions et rumine cette blessure survenue seize ans auparavant.
Viendra alors le temps de l’affrontement du passé et de l’assemblement des pièces d’une histoire insolite.
Avec en fond musical deux compositions majeures du grand compositeur hongrois Franz Liszt, Murakami déroule sa ballade poétique avec lenteur, toujours avec ce rythme précis qui lui est propre, et ce style minimaliste qui fait écho aux morceaux de musique classique qu’il ne cesse d’évoquer. Impossible de ne pas chercher à écouter les « Années de pèlerinage » et de ne pas y retrouver en musique quelque chose qui s’apparente à l’univers de Murakami, une mélancolie apaisante, une simplicité sculptée et d’autres choses encore, du domaine de l’ineffable. D’ailleurs, si la sortie de ce roman a été un évènement mondial, l’œuvre de Liszt a également été redécouverte grâce à lui, et un pic de vente des œuvres du musicien hongrois a suivi les ventes spectaculaires du roman.
Si les thèmes de Murakami se retrouvent clairement dans ce roman, et qu’on n’échappe pas à l’étrangeté de l’univers de l’auteur et à son atmosphère aérienne, on ne s’enfonce jamais dans un monde parallèle. « L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage » est en ce sens proche du réalisme de « la ballade de l’impossible » où, malgré la présence palpable d’un certain onirisme, les protagonistes demeurent néanmoins enracinés dans la réalité. Les mondes ne se confondent pas dans ce treizième roman. On est bien loin de l’immersion complète dans des univers parallèles, comme ce fut le cas dans la saga 1Q84. Et pourtant, l’envoutement est là : le banal Tsukuru est rendu tout à fait attachant et l’ennui de sa vie est transformé par sa recherche de vérité, mais aussi par la forme poétique du récit. Dans la plume de l’auteur, le quotidien devient subjuguant et le trivial est le point de départ, le prétexte à l’entrée dans le lyrisme et le romanesque.
Après avoir achevé le roman, on réalise, comme c’est souvent le cas dans les récits de Murakami, que certaines questions demeurent sans réponses et que notre curiosité de lecteur ne sera pas entièrement comblée. Mais l’essentiel est ailleurs, et ce n’est certainement pas frustrés qu’on referme le livre.
Sans être un chef d’œuvre, ce roman est une petite perle, toute en finesse et en légèreté, qui fait honneur à la réputation de son auteur.

Extraits :

« La vie ressemble à une partition compliquée, se dit Tsukuru. Elle est remplie de doubles croches, de triples croches, de tas de signes bizarres et d’inscriptions ambiguës. La déchiffrer correctement est une tâche presque impossible, et on aura beau faire avec le plus d’exactitude possible, puis la transporter dans les sons les plus justes possible, rien ne garantit que la signification qu’elle recèle sera comprise exactement ou qu’elle sera estimée à sa vraie valeur. Qu’elle fera nécessairement le bonheur des hommes. Pourquoi faut-il que la vie soit infiniment compliquée ? »
« Elle était toujours belle, toujours bien faite… seulement elle paraissait beaucoup plus pâle qu’auparavant. Au point qu’on aurait eu envie de prendre une télécommande et de foncer les couleurs. C’était une expérience vraiment curieuse. Que quelqu’un puisse en quelques années se faner ainsi. »

 

Haruki Murakami

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