La synchronicité, l’âme et la science

Il vous est peut être déjà arrivé de faire des rêves prémonitoires, de recroiser un ami auquel vous pensiez depuis quelques jours et que vous aviez perdu de vue ou simplement de remarquer la récurrence d’un évènement que vous avez fini par interpréter comme un signe. Vous avez alors pensé dans un premier temps qu’il s’agissait d’incroyables coïncidences. Mais votre part “illuminée” aimait y voir un signe du destin ou de l’univers.

Ces hasards nécessaires, ces concordances mystérieuses ont fait l’objet des recherches du célèbre psychiatre suisse, fondateur de la psychologie analytique: Carl Gustav Jung.

Mon intérêt s’est porté sur cette notion quand j’ai moi-même observé d’étranges coïncidences dans ma vie, que je refusais de voir comme de simples hasards et qui voulaient sans doute me signifier quelque chose.

De prime abord, cette notion de synchronicité peut sembler farfelue, trop miraculeuse pour qu’elle puisse relever d’une science quelconque ou qu’elle puisse trouver la moindre explication rationnelle.

Michel Cazenave, écrivain français spécialiste de l’œuvre de Jung écrit qu’il s’agit là du concept le plus ésotérique de Jung, celui où « Jung est, de prime abord, le plus facilement suspect de mysticisme, quand on ne parle pas franchement de magie. ».

Alors, qu’est-ce au juste que ces synchronicités ? Que veulent-elles nous dire ? A quoi veulent-elles nous éveiller ? Je vous propose de le découvrir à travers ce petit écrit qui tente modestement de résumer le savoir contenu dans l’ouvrage co-écrit par plusieurs spécialistes de l’œuvre de Jung intitulé “La synchronicité, l’âme et la science”

La synchronicité: une notion de Carl Gustav Jung

Cet ouvrage contient des paragraphes complexes traitant de la physique quantique et de la physique relativiste d’Einstein et mon manque d’érudition en matière de science ne me permettra pas d’en faire un résumé réussi. Je vais donc m’attarder sur la partie psychologique de l’ouvrage et tenter de vulgariser cet écrit dense et souvent compliqué.

La synchronicité n’est pas une notion qui intéresse les spirituels seulement. Elle a intéressé un certain nombre de scientifiques, notamment Wolfgang Pauli, physicien autrichien ayant reçu le prix nobel de physique en 1945. Celui-ci ira consulter Carl Gustav Jung pour des rêves récurrents et les deux hommes deviendront finalement amis et co-écriront ensemble l’ouvrage The Interpretation of Nature and the Psyche en 1952.

Un cas de synchronicité célèbre est relaté dans un ouvrage de C.G Jung intitulé La synchronicité, principe de relations acausales.

Il s’agit de la synchronicité du scarabée d’or, relatée comme suit par Jung lui-même  :

«  Une jeune patiente eut à un moment décisif du traitement un rêve dans lequel elle recevait en cadeau un scarabée doré. Pendant qu’elle me rapportait le rêve, j’étais assis le dos à la fenêtre fermée. Tout à coup j’entendis derrière moi un bruit, comme si l’on frappait légèrement à la fenêtre. Je me retournais et vis qu’un insecte, en volant, heurtait la fenêtre à l’extérieur. J’ouvris la fenêtre et capturai l’insecte au vol. Il offrait la plus étroite analogie que l’on puisse trouver à notre latitude avec le scarabée doré. C’était un hanneton scarabéide, Cetonia aurata, «  le hanneton des rosiers commun  », qui s’était manifestement amené, contre toutes ses habitudes, à pénétrer dans une pièce obscure juste à ce moment. Je dois dire tout de suite qu’un tel cas ne s’est jamais produit pour moi, ni avant ni après, de même que le rêve de ma patiente est demeuré unique dans mon expérience.  »

 

Pour Jung, toute synchronicité a un lien avec des archétypes, images mythiques premières contenues dans l’inconscient collectif. Le scarabée d’or du rêve de la patiente est un archétype qu’on retrouve dans la mythologie de l’Ancienne Egypte où le dieu Khepri, dieu solaire, se métamorphose en scarabée avant de monter dans une barque où s’accomplit l’ascension du soleil. Le scarabée est le symbole de la renaissance dans l’Egypte ancienne, et rappelle, par sa naissance et sa gestation, la naissance du soleil chaque matin à l’horizon.

Et cette incroyable synchronicité survenue durant la séance de Jung avec sa patiente a eu pour effet de relancer la thérapie de la jeune femme, qui était stagnante du fait de son entêtement.

C’est grâce aux synchronicités que l’être humain a accès à l’Unus Mundus, cette unité fondamentale de l’homme où se rejoignent l’esprit, l’âme et le corps. Grâce aux synchronicités, l’être humain entre-aperçoit l’unité et l’interdépendance de tous les phénomènes.

Si nous avons -presque- tous le sentiment de vivre dans un monde duel d’évènements «  intérieurs  » ou «  extérieurs  », d’avoir une intériorité qui ne se confond pas avec le monde extérieur et qui fait justement de nous les névrosés que nous sommes, la dualité disparaît dans l’évènement synchronistique puisque ce qu’on retrouve à l’extérieur semblait déjà inscrit et enregistré dans notre psyché. On s’aperçoit alors que cette dualité est illusoire puisque tout est contenu dans une même totalité.

L’expérience de synchronicité permet justement d’élargir sa conscience et de faire un pas décisif dans le processus d’individuation. L’ego s’atrophie en faveur de l’inconscient collectif.

 

L’Unus Mundus  :

Peut-être faut-il rappeler que Carl Gustav Jung est le pionnier de la psychologie des profondeurs. Un temps ami et correspondant de Sigmund Freud, les deux hommes rompent leur amitié en raison de trop grandes divergences théoriques. Jung, en désaccord profond avec la théorie de Freud sur la libido -en tant qu’énergie psychique de la pulsion sexuelle- ne pourra plus assumer son titre d’héritier et de dauphin du père de la psychanalyse. Cette pénible rupture mènera néanmoins Jung vers une solitude qui le poussera à explorer son inconscient. Le jeune psychiatre connaîtra une descente aux enfers qui durera trois ans et qu’il consignera dans son célèbre «  Livre Rouge  ». Cette période de sa vie qu’il appellera «  confrontation avec l’inconscient  » dans son autobiographie «  Ma Vie  » est la traversée des profondeurs de sa psyché, la rencontre de son chaos intérieur, une immersion dans son inconscient dans le but d’y puiser l’inspiration pour écrire l’œuvre de sa vie. Jung dira de ce moment difficile  : «  Toute mon activité ultérieure consista à élaborer ce qui avait jailli de l’inconscient au long de ces années et qui tout d’abord m’inonda. Ce fut la matière première pour l’œuvre d’une vie.  »

C’est le processus d’individuation de Jung dont témoigne ce livre et ce sont tous les concepts qu’il développera ultérieurement qu’on découvre en germes dans le «  Livre Rouge  ».

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Bien plus tard, alors remis de sa tourmente, Jung entretiendra une correspondance durable avec le physicien Wolfgang Pauli. Tous deux s’intéressent à la synchronicité, chacun cherchant à la comprendre du point de vue de sa discipline. En 1946, Jung écrit à Pauli : « Les physiciens sont aujourd’hui les seuls à s’intéresser à ce genre d’idées. »

Carl Gustav Jung a tenté, avec son ami Wolfgang Ernst Pauli d’établir le point d’unité dans le réel. Wolfgang Pauli a reçu le Prix Nobel de physique avec sa découverte du “principe d’exclusion” en physique quantique, principe d’acausalité. L’acausalité est un concept de la physique quantique selon lequel deux évènements sont liés non par un principe de cause à effet mais plutôt par le sens.

Cet acausalité serait selon Jung et Pauli le plan sur lequel l’univers se conçoit avant qu’émergent les lois de l’espace et du temps. Les archétypes et la synchronicité sont en fait des expressions de cette unité fondamentale qu’est l’Unus Mundus.

Le monde un est le Tout indivisible qui contient toutes les potentialités du réel. On pourrait dire, pour simplifier les choses, que l’incarnation et la vie en tant qu’être matériel ayant une naissance et une mort est la réalité physique de tout individu. L’être biologique et physique est soumis aux principes de causalité. Mais au-delà de l’être physique, il existe un sujet radical et absolu que Jung nomme le “Soi” et qui transcende l’être relatif. Les synchronicités sont un en sens des messages adressés au Soi et que seul le Soi peut reconnaître.

L’Unus Mundus est le monde un où sont réunis l’intérieur et l’extérieur, où la psyché et la matière forment une unité indifférenciée.

David Bohm, éminent physicien américain du XXème siècle, connu pour ses théories de l’Ordre Implicite et du holomouvement, a transposé cette idée d’un monde Un à la science. Pour ce physicien philosophe, le comportement des particules élémentaires est déterminé par un arrière-plan de l’univers qui ne serait ni matériel ni psychique, mais tout à fait hors de l’espace-temps. Il s’agit d’un ordre supérieur, transcendant, au-delà des quatre dimensions de notre espace-temps ordinaire. Le Monde Un n’est plus seulement l’inspiration d’un mystique, mais trouve ainsi son équivalent dans la physique quantique, dans les années 1950 à peu près au moment où Jung faisait ses recherches avec Pauli. Voilà un bel exemple de synchronicité !

 

Wolfgang Pauli (à g.) et Carl Gustav Jung (à d. )

Se relier à son intuition par la synchronicité  :

Le cas de la patiente de Jung qui découvre dans la salle de consultation, le scarabée d’or dont elle a rêvé est une illustration intéressante du rôle de la synchronicité dans la vie humaine. Grâce à cette étonnante concordance, la patiente a abandonné sa rationalisation systématique dans la cure et sa thérapie a pu avancer.

Quand on croit observer une synchronicité dans sa vie, qu’un événement extérieur vient de manière saisissante faire écho à un événement intérieur, il faut peut-être y voir la matérialisation d’une information venant d’une sphère qui est au-delà de toute rationalisation. Et c’est l’occasion de se reconnecter à son intuition.

A un moment de votre vie où vous vous demandez peut-être où vous en êtes et où vous ne savez pas quel chemin suivre, l’apparition d’une synchronicité vient vous guider et vous signifier que vous devez suivre votre intuition. Jung disait à ce sujet  :«  Les rêves prémonitoires, la télépathie et tous les faits de cet ordre sont des intuitions. J’ai constaté de ces phénomènes en quantité et suis convaincu qu’ils existent  ; on en trouve chez les primitifs et on en trouve partout dès qu’on prête attention aux perceptions qui nous parviennent à travers les couches subliminales de notre être.  »

La survenue d’une synchronicité signifie que le monde psychique et le monde matériel se manifestent simultanément dans la réalité pour nous rappeler l’unité fondamentale de l’être.

Il arrive justement que des synchronicités se manifestent dans des moments délicats de l’existence, lors d’un bouleversement personnel, dans une situation de choc mais aussi dans des moments essentiels de la vie, lorsqu’on accomplit son processus d’individuation et qu’il y a un désir profond de réalisation spirituelle. Comme autant de messages et d’indices qui nous mettent sur la voie et nous rappellent que nous ne sommes pas perdus dans un monde absurde. La synchronicité apparaît comme le rappel de l’Unité globale, d’un Tout psycho-physique, de cette Totalité dans laquelle se retrouvent conscient et inconscient, âme et matière. L’être séparé réalise alors qu’il est aussi un être divin, porteur d’un soi et en chemin, peut-être, vers ce que Jung appelle le «savoir absolu ». Les synchronicités sont semblables à des comètes furtives et incandescentes qui illuminent le paysage de la conscience et viennent nous éclairer d’un sens partiel, « mais qui nous laissent deviner un sens bien plus vaste. » comme on peut le lire dans les dernières lignes de cet ouvrage.

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