L’empathie: Faiblesse de caractère ou force d’âme ?

Empathie. Un mot qu’on croit souvent comprendre sans pourtant en saisir la réelle signification et la portée globale.

Beaucoup pensent qu’être empathique signifie avoir la capacité de se mettre à la place de l’autre. Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, que se mettre à la place de l’autre ?

L’empathie, pour certains, est une qualité qui gagnerait à être développée par des professionnels, comme le psychologue, le médecin, et tous les thérapeutes en général, pour lesquels le lien humain est central. En dehors de ces professions, on se demande parfois si ressentir de l’empathie n’est pas plus une faiblesse qu’une qualité, influencés que nous sommes par l’idée qu’il faut se protéger, se caparaçonner, ne pas se laisser atteindre par la souffrance de l’autre.

Qu’est-ce que l’empathie ?

L’empathie a été la mieux définie par des psychologues célèbres, Carl Rogers en tête avec son approche humaniste centrée sur la personne. Il définit ainsi l’empathie comme

«  La capacité à saisir avec autant d’exactitude que possible les références internes et les composantes émotionnelles d’une autre personne, et les comprendre comme si l’on était cette autre personne, mais cependant, sans jamais oublier le ‘comme si’.»

Apanage des théapeutes et des spécialistes de l’aide et de la communication, l’empathie est cette qualité qui consiste à être distinct de l’autre, sans être distant. Il s’agit d’être centré en soi-même, dans son individualité en se gardant de fusionner avec l’autre pour pouvoir justement, apporter son soutien.

Pourtant, aujourd’hui, l’empathie est également recherchée dans des domaines tels que le commerce, le consulting et le management. Au travail, cette qualité serait indispensable pour une meilleure collaboration et de nombreuses entreprises forment leurs salariés à être empathiques – ou du moins, à donner le sentiment de l’être – grâce à certaines techniques telles que la reformulation, l’attention à l’autre et certaines mimiques faciales…

A t-on encore envie d’être empathique quand cette qualité devient un outil de travail à adopter pour de meilleurs rendements ? Réellement, pourquoi avons-nous besoin d’empathie, de faire preuve d’empathie, et de ressentir l’empathie des autres à notre égard ?

L’empathie, une qualité profonde et complexe qui a ses limites:

La subtilité de l’empathie réside dans cette capacité à reconnaître que l’autre souffre, ressent, tout comme moi, mais que sa souffrance, son ressenti n’est pas le mien.

Le sentiment d’empathie provient de la faculté d’imiter mentalement les mouvements et expressions d’autrui grâce aux neurones miroirs qui s’activent quand nous faisons quelque chose ainsi que quand on voit quelqu’un d’autre le faire. Cette capacité évolutive que possédaient déjà nos ancêtres se retrouve chez le nouveau-né, qui pleure quand il entend un autre bébé pleurer. On parle alors de contagion émotionnelle.

Pourtant, l’empathie n’est pas un simple phénomène de transposition d’émotion de soi à autrui. Les neurones miroirs montrent leurs limites. Une expérience a révélé que, face à des personnes ressentant des douleurs aiguës, d’autres personnes qui, elles, ne ressentent pas la douleur, ont eu à faire appel à une autre aire cérébrale qui effectue un travail cognitif visant à imaginer la douleur d’autrui. Il s’agit du cortex préfrontal ventromédian. Ces personnes qui ne ressentent pas la douleur vont alors puiser dans leur expérience de la souffrance pour comprendre la douleur que ressent l’autre. Et c’est grâce à cette faculté qu’on parvient à prendre en compte, à comprendre même, une souffrance que l’on n’a pas ressenti.

Seulement, ressentir de l’empathie peut générer des émotions négatives car, en entrant en résonnance avec les émotions de la personne qui souffre, nous nous laissons toucher par sa souffrance. Comment faire pour que la souffrance d’autrui n’ait pas une trop grande influence sur nous ? Comment être un empathe qui se protège ?

 

De l’empathie à la compassion… Trouver le juste équilibre :

Etre empathique, lorsqu’il s’agit d’entrer en résonnance avec la souffrance d’autrui, peut mener à un sentiment de détresse.

La neuroscientifique et psychologue Olga Klimecki a effectué des recherches sur les émotions sociales telles que l’empathie et la compassion, en menant des expériences d’entraînement à la compassion sur des sujets. Elle s’est alors aperçue que l’empathie pouvait générer des émotions négatives et que les individus pouvaient s’entraîner à la compassion pour ne plus ressentir les émotions néfastes d’un trop plein d’empathie. Il s’agit de contrer le ressenti négatif au moyen d’un sentiment de bienveillance et d’un désir d’agir pour le bien d’autrui. Le caractère passif de l’empathie est complété par le caractère pro-actif de la compassion. En effet, l’examen à l’IRM effectué après l’expérience a démontré que les sujets ayant fait preuve de compassion avait davantage d’émotions positives tandis que ceux qui n’avaient été qu’empathiques pouvaient avoir des réactions similaires à un «burn-out», ce qu’on appelle la fatigue empathique.

 

Mathieu Ricard, docteur en génétique et moine bouddhiste tibétain parle également du syndrome d’épuisement professionnel que connaissent les individus travaillant dans les milieux du soin et de la santé, à l’hôpital notamment, à cause d’un excès d’empathie.

Il rejoint ainsi Olga Klimecki et explique comment il est possible de cultiver la compassion pour empêcher cette fatigue de l’empathie. En s’entraînant à cultiver en soi l’amour altruiste à travers des activités telles que la méditation, le sujet surmonte le sentiment d’impuissance généré par la seule empathie.

L’empathie et la compassion peuvent être développées grâce à des pratiques telles que la méditation de pleine-conscience. En effet, en pratiquant la pleine conscience, le sujet a plus de chance d’être véritablement attentif à la personne qui lui fait face, à observer les émotions, expressions et actions de l’autre. Il parvient à percevoir dans l’immédiateté le vécu émotionnel de celui qui lui fait face et ainsi à le comprendre.

La compassion est en effet cette disposition d’esprit équilibrée et positive, qui permet de ressentir de l’amour et de la bienveillance pour autrui. Car le sentiment de compassion a pour but de délivrer l’autre de la souffrance, et cela n’est possible qu’en étant soi-même centré, harmonieux et ancré.

Vous vous rappelez peut-être de ce jour où, en proie à la déprime et à l’angoisse, vous vous êtes confié à un ami attentif et bienveillant ? Vous vous rappelez alors du sentiment d’apaisement qui a suivi ce moment, de la gratitude que vous avez ressenti pour cet ami. Vous avez peut-être pensé : « il y a quand même de la tendresse et de l’amour dans ce monde.»

Aussi, en retour, vous avez peut-être été là, un jour, pour un ami en proie au spleen, coincé dans ses problèmes. Et sa gratitude, son «merci» vous ont fait du bien.

Comprenez-vous mieux maintenant les immenses bénéfices de l’empathie et de la compassion ? Recevoir de l’empathie engendre bien souvent un soulagement et du réconfort, offrir sa bienveillance et sa compassion nous revient en boomerang et nous sommes aussitôt récompensés par la joie d’avoir donné et pu faire du bien à autrui.

C’est pourquoi le changement commence par soi-même. En cultivant l’amour et la joie en soi, nous créons dans le même temps des cercles d’ondes positives autour de nous, et alors, être disponible pour autrui, l’écouter et le soutenir véritablement, devient possible. Comme le disait Krishnamurti «seule l’intelligence de l’amour et de la compassion peut résoudre tous les problèmes de la vie.»

 

 

Quelques clés pour cultiver votre empathie  :
  • Développez votre écoute  : Lorsque vous êtes en présence d’un ami, et s’il parle d’un sujet qui lui tient à cœur, prenez plaisir à l’écouter. Ecoutez le en tâchant de ne pas laisser votre attention vaciller à cause de pensées parasites. C’est en cela que la méditation de pleine conscience peut aider. Car elle permet d’être attentif à ce qui passe en dehors, en écoutant attentivement la personne qui nous fait face, mais aussi en dedans, en prêtant attention à ce que les mots de cette personne éveillent en nous comme émotions, sentiments et sensations.
  • Evitez les projections personnelles : Sans vous en rendre compte, lorsque vous conversez avec quelqu’un que vous connaissez bien ou non, vous ne pouvez vous empêchez de faire des déductions et d’avoir quelques préjugés. Ces idées préconçues sont en fait un aspect fondamental de la nature humaine qui permet de repérer rapidement le danger. Néanmoins, les préjugés sont bien souvent un frein pour une réelle empathie. Faire preuve d’empathie, c’est justement enrayer les préjugés et les idées préconçues pour être pleinement présent et disponible à l’autre. On troque les déductions et les inférences pour une écoute active, sans a prioris.
– Allez sur le terrain de l’autre  : Etre empathique, c’est, comme nous l’avons vu, être en mesure d’adopter la perspective de l’autre. Par exemple, si un ami aborde une question sensible le concernant, adoptez la technique du miroir réfléchissant. Sans être inquisiteur et poser trop de questions, laissez le plutôt venir à vous en le mettant à l’aise par des mots empathiques tels que « ça doit être dur pour toi », «  je te comprends très bien », ainsi que des hochements de tête.

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