J’étais durant des siècles une créature d’éther,
qui se nourrissait de couchers de soleil,
de rosée du matin,
de musiques mélancoliques
et de la vue du vaste océan.
Est-ce toi maintenant qui me demande
de m’incarner dans un monde
où la beauté se fait rare,
et où je dois accepter le poids d’un corps trop lourd ?
J’étais pendant longtemps,
une créature intemporelle
et je menais l’existence paisible et joyeuse
d’un monde d’amour,
de parures féeriques,
d’amitiés indestructibles
et de plaisirs ininterrompus.
Est-ce toi qui me demande
de faire l’expérience de la peur,
du manque et de l’obscurité ?
Quand le vent sur mon visage
et la mer au crépuscule,
mon imagination et l’amour du moindre effort
sont mes sources de joie
Voudrais-tu que je m’ancre
dans une vie faite de souffrances,
où la volonté qui me manque
est la marque des vainqueurs ?
Je ne cesserai de narguer
les exhortations de cette vie
qui voudrait que je devienne
un être trop ordinaire.
Mais quel affront de refuser
les épreuves de l’existence
en réclamant le retour
d’un monde qui n’existe plus.
Mon mépris me coûte si cher
Et je traîne un spleen bien trop vif
quand mon seul pêché a été
d’aimer éperdument le Ciel.
Mélancolie des âmes lunaires
Quand cesseras tu de m’accabler
Pour qu’enfin je goûte à la vie
avec la grâce des éveillés ?